18/04/2011

Sans entr'acte



Du 29 mars au 17 avril 1977, Diane Dufresne occupe la Place des Arts de Montréal. Dans tous les sens du terme, car non seulement elle occupe la scène du Théâtre Maisonneuve avec son spectacle Sans entracte (un show sans interruption, une première pour l'époque), mais elle occupe également le garage en dormant sur place, dans une roulotte spécialement aménagée qui lui permet de vivre dans la bulle de son show. Elle veut vivre l'expérience totale et aller jusqu'au bout du "système" en s'appropriant le lieu.

Quelques jours avant la première, Diane reçoit les journalistes directement dans son Winnebago pour parler de son show. Ils traversent une longue allée de ballons et de clowns pour la rencontrer à tour de rôle, dans son salon "de velours, décoré de roses et de chandelles, embaumé de parfums exotiques..." (Nathalie Petrowski, Le Devoir, 19 mars 1977)

Si la démarche ne manque pas d'audace, le show ne manque pas d'ambition. Hommage à la femme et à sa mère (dont le portrait orne la scène pendant Hollywood Freak), Sans entracte se conjugue au Elle. "C'est un show pour les femmes, un show féminin pluriel à cause de cette règle de grammaire, fasciste et discriminatoire qui dit que le masculin l'emporte sur le féminin." ("Diane-chasseresse...et femme, et star", Le Devoir, 19 mars 1977)


Quand les portes de la salle s'ouvrent, Diane est déjà sur scène. Elle est tout en haut d'un escalier, assise devant son miroir où elle regarde le public entrer.  C'est en quelque sorte sa loge, exposée, où elle retournera pour se maquiller en clown, à la fin du spectacle. Sans entracte se terminera de la même façon qu'il a commencé, alors que Diane observera les gens quitter la salle.


C'est en "chasseresse" qu'elle ouvre son show, en messagère à plumes, prête pour le combat. Monologues teintés de féminisme, flashs insolents, idées provocantes: Sans entracte déstabilise le public. Il faut dire qu'il n'a pas l'habitude d'avoir face à lui une chanteuse aussi franche, qui simule un orgasme sur La main de Dieu et qui fait apparaître un homme nu sur scène, entre autre choses!

"À partir de show-là surtout, Diane Dufresne a exprimé davantage sa "folie"...et elle faisait peur au monde, carrément (...) Avant, même si elle était une chanteuse très énergique, elle conservait malgré tout une certaine pudeur. Mais là, le bouchon a sauté et voici Diane Dufresne." (Pierre Beaulieu, Folie douce, Radio-Canada, 2004)

 Sur la même longueur d'ondes avec le danseur Michel Jodoin

Si les critiques ne se gêneront pas pour descendre le show (et certains spectateurs, pour quitter la salle), personne ne pourra nier le professionnalisme de celle qui se présentait enfin devant eux, dans toute sa vérité. Ni ignorer ses moments de brillance. "Sur la même longueur d'ondes, her wittiest song (...) Here she had form and timing, and the choreography was in the best show-business tradition" (Juan Rodriguez, Montreal Gazette, 2 avril 1977)  

Sans entracte sera une expérience pénible pour Diane Dufresne et ne sera apparemment pas rentable, mais comme le résumera sa créatrice elle-même: "C'était un changement, c'était un passage..." (Confidences, DVD J'me mets sur mon 36, 2004)



Le coffret "Diane Dufresne vous fait une scène", paru en 2004, ne présente malheureusement pas le show au complet, ne proposant qu'un montage de 4 chansons captées par la télévision...ce qui laisse songeur puisqu'on voit des extraits inédits qui accompagnent le générique et les commentaires de Diane. Le reste du show dormira-t-il à tout jamais dans les archives de Radio-Canada?

(Un détail de l'affiche du spectacle)

Quelques-unes des chansons interprétées: Vingtième étage / A part de d'ça / On tourne en rond / La main de Dieu / Monsieur / Les hauts et les bas d'une hôtesse de l'air / Les femmes d'aujourd'hui / En écoutant Elton John / J'ai vendu mon âme au rock n' roll / Sur la même longueur d'ondes / Mon p'tit boogie boogie / La vérité / Hollywood Freak / Ma vie c'est ma vie / J'me sens ben / Laissez passer les clowns /

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