31/10/2011

Dame de pique

"Diane Dufresne, en une nuit, 
a traversé des océans d'émotions, 
a survolé tous les gratte-ciel de la folie. 
Avec elle, on vit ses cauchemars, on tâte ses visions."
(Manon Guilbert, Le Journal de Montréal, 30 octobre 1982) 

Le lendemain d'Hollywood, le 29 octobre 1982, la Dame de pique l'emporte sur la Dame de Coeur et transforme le rêve doré de la veille en cauchemar éveillé. Parmi les 12 000 personnes qui hurlent leur bonheur d'avoir la chance d'y assister figurent plusieurs fans qui, encore aujourd'hui, placent "Halloween" en tête de liste de leur spectacle préféré. 

Le fait qu'aucun document vidéo n'ait vu le jour doit certainement contribuer fortement à son mythe. Pendant des années, la petite histoire voulait que Radio-Canada avait jugé Halloween trop osé pour être présenté. Une autre rumeur voulait que Diane elle-même s'était objectée à toute diffusion, gênée par le costume trop révélateur de la photo présentée plus haut. Ce n'est qu'en 2004, lors de la sortie du premier coffret "Diane Dufresne vous fait une scène" que la triste raison fut connue: ayant reçu des menaces de mort avant le spectacle, Diane décida d'interdire toute captation télé pour ne pas qu'un éventuel dénouement macabre ne soit documenté. Ouch.

Heureusement, les critiques et les récits de fans restent et nous permettent d'imaginer à quoi devait ressembler cette légendaire soirée d'Halloween. 

"Cauchemars, fantômes et squelettes
Laissez flotter vos idées noires
Près de la mare aux oubliettes, tenue du suaire obligatoire"

Ce soir, l'album Turbulences sera mieux représenté que la veille et c'est d'ailleurs avec "Seule dans mon linceul" que Diane se fait d'abord entendre. Ce linceul est en fait une citrouille géante, d'où sort une sorcière prête à envoûter le Forum au grand complet. Elle brasse le Champagne, puis est rejointe par son guitariste Dracula pour raviver le spectre d'Elvis avec ses Blue Suede Shoes.

Pour son deuxième tableau, Diane revisite les hantises de l'enfance et de la vieillesse, coiffée d'un bonnet géant. Fellini refait son apparition, teinté d'une nouvelle interprétation. "On ne sait pas si elle pleure ou elle rit, si c'est la mort ou la vie..." Puis, dans un nuage de fumée de tuyau d'échappement se dessine un nouveau tableau électrique, tout en cuir et en turbulences, où Diane se fait Tartare.


Après une dernière bouffée d'Oxygène, l'étau se ressere, la nuit n'est plus que cauchemar et le Parc Belmont devient prison. Les Clowns offrent un peu de réconfort avant la métamorphose finale. En chauve-souris, Diane chante son Suicide et finit par se débattre en hurlant dans une toile d'araignée géante lui tombant dessus.

 (Photo: Linda Boucher / Pop Rock Montréal)

Pour sa toute dernière chanson, Diane revient en robe de soirée, débarassée de tout artifice (hormis une délicate couronne) pour interpréter une reprise déchirante, "J'veux pas qu'tu t'en ailles" de Michel Jonasz. "On pouvait sentir dans nos veines la sincérité que si elle l'avait pu, elle nous aurait tous amené avec elle." (Elyse Boucher, Pop Rock Montréal, 13 novembre 1982)

Le public sera son rideau, car elle ira le traverser pour disparaître vers la sortie. Les esprits s'en souviendront longtemps..."Elle a fait gronder les gradins et craquer le bois mort des vieux préjugés. Elle nous a présenté un miroir exalté de l'art, de la scène, de la vie avec une maîtrise technique qu'on ne lui connaissait pas." (Nathalie Petrowski, Le Devoir, 1er novembre 1982) "
 

Pour terminer avec un peu de couleurs, un petit détour sur le site du photographe Michel Ponomareff s'impose. Certes, les watermarks gâchent un peu la vue, mais en attendant de les retrouver ailleurs (à quand un recueil des meilleures photos de Diane?), il s'agit du seul moyen de voir ces précieuses images:


Seule dans mon linceul / Champagne / Blue Suede Shoes / J'ai 12 ans / La dernière enfance / Fellini / Rock pour un gars d'bicyc / Goodbye Rocky / Turbulences / La main de Dieu / Oxygène / Le parc Belmont / Le monde est fou / Laissez passer les clowns / Suicide / J'veux pas qu'tu t'en ailles

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